lundi 17 novembre 2014

Adrénaline

En ce moment sur twitter 10lunes nous demande des idées d'anecdotes joyeuses pour son calendrier de l'avent. voici le précédant.
Je lui propose un de ses premiers souvenirs de salle de garde, dommage, c'est deja fait. Mais elle me retourne ma question.

Mais j'ai beau fouiller dans les recoins de ma tête, impossible de m'en souvenir. Etait-ce en salle une? deux? ou trois? Qu'ai-je fais? Que rôle ai-je tenu? C’était il n'y a même pas un an et demi et pourtant ; impossible de m'en souvenir.

Peut-être est-ce dû au trop grand nombre d'accouchements auxquels j'ai déjà assisté? Au manque de temps passé avec ces patientes? Je n'en sais rien.
Mais pour palier à tout ca, je vais vous racconter "mon" premier accouchement "seule". (oui j'utilise des guillemets, ce n'est pas mon accouchement mais celui de ma patiente).


Adrénaline:

Aujourd'hui c'est A. le sage femme de garde qui m'encadre. Je suis en 4eme année, (ESF3 pour les vieilles et vieux). La matinée se passe tranquillement, on tente lui et moi de respecter au maximum la physiologie dans ce temple de la pathologie. Les femmes accouchent, les enfants et leurs parents naissent, comme tous les jours ici.

Madame Z arrive, elle doit être déclenchée, ne veut pas de péridurale. Le protocole du service et de tant d'autres services veut que je la branche de partout, de tous les cotés. tellement de fils, de perfusions que régulièrement je fais des nœuds avec.

Madame Z est charmante. Pour le moment je "n'ai" qu'elle. J'en profite donc pour discuter longuement.
Le déclenchement sans péridurale et allongée sur un lit est quelque chose qui semble terriblement douloureux. Mais Madame Z. est courageuse, c'est son 5eme accouchement. "je la connais la douleur, je suis prête" nous décidons donc elle et moi qu'on allait tout faire pour que ça se passe comme elle le désire.

Le temps passe et A me fait confiance, il me laisse gérer "vas-y, fais comme tu le sens, c'est ta patiente"

Malheureusement, un déclenchement c'est long, très long, l'ocytocine coule à flots dans ses veines.  Son ventre se contracte avec la régularité d'un métronome. Elle me demande de l'examiner pour savoir si ca bouge. Oui, ca a un peu bougé, mais pas plus que ca, le col est modifié dans sa texture, mais la dilatation n'avance pas. Cela fait deja 4 heures qu'elle est ici.
Madame Z. a mal, mais elle me dit qu'elle souhaite attendre encore 30 minutes: "si ca bouge, je continue comme ça, sinon, mettez moi une péridurale, je ne tiendrais pas" le contrat est passé. Je préviens l’anesthésiste qui passe dans le couloir "il y aura peut-être une péridurale en salle 2 d'ici peu". L’anesthésiste adorable, me dit qu'elle reste dans le coin et viendra si on l'appelle, sans nous presser.

La demi heure passe, rien ne bouge. je lui propose de s'assoir, peut-être aura-t-elle moins mal dans cette position? Et la gravité pourra aider? Mais la douleur est trop intense, elle n'arrive pas à bouger. Elle me redemande d'attendre une petite demi-heure, voir si "ça bouge".

Je reste avec elle pendant ce temps, j'essaie de lui faire oublier sa douleur, je tente 2, 3 blagues, assez mauvaises je l'avoue. Elle esquisse un sourire, mais ce n'est toujours pas ça. Je l'examine à nouveau. Rien ne change. Elle ne tient plus et me demande une péridurale. L’anesthésiste est là dans la minute qui suit, j'aide la patiente qui, à l'idée du soulagement de sa douleur regagne assez de force pour s'assoir, à s'installer. La peri est posée.

Je m'en vais remplir le partogramme histoire de ne rien oublier. A est parti dans les couloirs j'ignore où. Super-anesth repasse 10 minutes après pour voir si elle est soulagée. et ressort tout de suite "heu... Alice je crois que ta dame pousse" "impossible, elle était à 3 depuis 5h juste avant la péri".
Je vais voir Madame Z. en effet la dilatation est complète. 

Je suis paniquée, A est introuvable et je ne peux pas me permettre de le chercher dans tout l'hopital. La table est à moitié prête, l'autre sage-femme de garde m'encadre "met tes gants" mais la table n'est toujours pas prête, et j'ai déjà les mains gantées... "t'en fais pas je m'en occupe" dit une voix, la Sage-femme venue à mon secours? L’anesthésiste? L'aide soignante?

Madame Z est installée dans cette horrible position gyneco. Par moi, ou quelqu'un d'autre, je ne sais plus. C'est passé si vite.

Madame Z trouve aussi que c'est passé un peu vite, elle est tout autant deboussollée que moi. Je tente de reprendre le dessus vis à vis de ma panique.  Madame Z a déjà 4 accouchements au compteur, elle est dans une position peu clémente pour son périnée, elle est perdue, moins aussi, mais un peu moins, je dois la guider. "Poussez doucement madame, soufflez bien tout en poussant" son enfant arrive doucement, sans soucis. Il est né, elle est heureuse. Son mari est là, tiens je ne l'avais pas vu arriver...
Je reprend mes esprits, il faut encore délivrer le placenta. Je demande à l'aide soignante s'ils ont retrouvé A, puisque c’était lui qui m'encadrait. "je suis là" 
Trop emballée et concentrée sur cette naissance, je ne l'avais pas vu rentrer. C'est lui qui a préparé la table d'accouchement lorsque, perdue, j’enfilais mes gants.

"Alors, ce premier accouchement seule?"

shoot d'adrenaline!

Ce n'est pas la première naissance à laquelle j'ai assisté, ni celle à laquelle j'ai participé pour la première fois, mais la première "en solo".

dimanche 20 juillet 2014

Et maintenant?

Voilà maintenant presque un mois que je suis diplômée, et que donc, je suis sage-femme. Mais sans mon précieux Graal qu'est l'équivalence, je ne peux pas exercer. Alors, pendant ce temps, je me pose environ 3000 questions par jour, pour essayer de savoir comment je veux exercer, quelle sage-femme je souhaite devenir.

Avec la "crise" de l'emploi actuel, j'ai l'impression qu'il est presque impossible en tant que sage-femme, d'avoir le job de ses rêves, mais je suis optimiste, et rêveuse. Alors je me surprends à penser qu'avec un peu de chance, je trouverais une maternité, pas trop grande, où l'humain a encore sa place ; où les patientes ne sont pas qu'un numéro qui attend d'accoucher ; où je pourrais prendre mon temps pour les accompagner, et surtout, avoir la possibilité de leur laisser le temps, sans constamment les presser, parce que "avec mes 5 autres patientes, c'est MAINTENANT que je dois vous examiner".

Je suis diplômée depuis presque un mois, et j'ai l'impression d'être plus paumée que jamais. Je sais, idéalement, comment j'aimerais travailler, mais l'idéal n'étant pas toujours atteint, je ne sais pas si je réussirais, longtemps, à aller à l'encontre de toutes les choses auxquelles je crois profondément, comme je l'ai fait presque en continu pendant mes 4 ans d'étude.
A 23 ans, et à peine diplômée, je suis presque déjà blasée d'une manière de travailler qui ne me correspond pas, et j'aimerais que les choses puissent changer. Pour les femmes, mais aussi pour moi, de manière très égoïste, afin de ne pas devenir folle dans les 3 années à venir.
Rappelez-moi, les maisons de naissance, c'est quand, que ça sera légal?

Enfin bon, je dis ça, mais je n'ai pas (encore) le droit d'exercer, pas de poste, alors avant de penser à tout ça, je devrais plutôt espérer trouver une place, où qu'elle soit.

lundi 7 juillet 2014

Parce qu'on est AUSSI des etudiants

Congres ANESF,
Lieu: Toulouse
Date: 4-5-6 juillet
Thème: Midwifery around the world

        Nous sommes ESF, enfin, quitquat ne l'est plus. Pour le moment je n'ai pas réellement tenu des propos d'ESF à proprement parler, alors je me lance:
        Ce weekend je suis allée à Toulouse pour le XIème congrès de l'ANESF, j'y ai rencontré environ 150 ESF, on a ri, on a bu, on a parlé de choses sérieuses, et de choses beaucoup moins sérieuses.


Un congrès, c'est quoi? C'est des étudiants de toute la France, d'une même filière qui se rencontrent dans une ville donnée, certains se connaissent, d'autres non.
Moi, petite novice, je ne connaissais que les étudiants de mon école, et je rentre de ce weekend avec plein de nouvelles connaissances (mais je les appellerais toujours par le nom de leur ville, je ne retiens pas trop les prénoms!)

 Commençons par le commencement. Nous sommes arrivées mes collègues et moi un peu tard (bah ouais, Toulouse ce n’est pas la porte à côté, même pour ceux du sud!) Heureusement on ne s’était pas inscrites aux formations, nous savions que le temps serait court. On est ainsi parties voir le match dans le centre de Toulouse. De retour à temps pour l'Apéro des régions. L'apéro des régions c'est chaque ville qui présente à sa table ses denrées culinaires et alcooliques locales. Du chouchen et des crêpes chez les bretons, du kir à la violette chez les toulousaing (j'en redemande!) Des rillettes à Angers, du camembert puant à Rouen (j'en rêve encore!) Et un saladier de farine-soupe de poisson-cailloux jaunes à Amiens (même après une machine j'ai ENCORE du jaune sur tous mes vêtements merci les amiénois!). On mange, on boit, on discute, on fait connaissance, on danse, certaines villes ayant préparé une chorée pour avoir le speculum d'or (trophée remis à la "meilleure" école). 
Les partenaires boivent avec nous et nous font découvrir des spécialités toulousaines. Puis, tard dans la nuit on part se coucher. 2h30 plus tard: réveil.
Hopla douche, Hopla ptit Dèj, Hopla formations.

Les formations sont assez variées, certaines sont proposées par les partenaires donc un peu trop accentuées sur les bénéfices de leurs produits, et d'autre sont proposées par des sages-femmes, des représentants du bureau national, et d'autres bureaux (FAGE et ANEMF (association nationale des étudiants en médecine française par exemple). L'après-midi, une petite pizza (très équilibré comme repas) puis, vient le bilan de l'ANESF. Le bilan de leur mandat, le président et la trésorière nous font leurs bilans respectifs, plutôt positifs à ce que j'en retiens. Ce qu'ils ont réussi à terminer, ce qui a dû être abandonné ou ce qui est encre en cours. Le congrès annuel c'est aussi le moment où le bureau change. Chacun y va de son bilan moral, et verse sa petite larme. Même si on ne les connait pas on a envie de pleurer avec eux. Chacun quitte son poste avec émotion. Et nous aussi, sommes tristes de les voir quitter leurs postes.

Bizarrement on ne parle pas trop en dehors des formations et réunions des diverses pratiques mais on ressent tout de même une envie de faire bouger les choses parmi chaque étudiants, pioupiou (ou L2) ou jeune diplômé.

Apres 5 heures dans un amphi plein à craquer et mal aéré nous n'avons qu'un seul mot à la bouche DOUCHE!!
La deuxième journée se termine et à peine le temps avons-nous eu pour récupérer nos chambres qu'il faut se changer, il y a la soirée de gala du congrès. 

Une profession comme la nôtre est constituée à majorité de filles, et c'est long à se préparer 150 filles, mais timing oblique à 20h30 nous sommes tous prêts. 
Metro-tram et le gala commence. Traiteur, DJ. Costards et robes sont de sortie, certains plus sérieux et plus soignés que d'autres. Des filles coiffées, habillées, maquillées, des mecs en costard et avec... Une faluche ça fait tout de suite bizarre.

Pendant la soirée a lieu la remise du speculum d'or, certains râlent, je ne sais même plus au final qui l'a emporté.

Tard encore nous rentrons. Cette fois le réveil est plus tardif (7h30 et non 6h30), je peux donc dormir une heure de plus (3h30 cette fois)!!

Puis on enchaine sur la dernière journée. Des sages-femmes de toute l’Europe (représentantes du CNOSF, de Pologne, d'Irlande et d'Espagne) viennent nous parler. Elles viennent nous expliquer comment la maïeutique se passe chez elles. Ce qu’elles nous envient, ce qu'elles nous critiquent. On apprend par ailleurs qu'n est en France l'un des (très) rares pays où la sage-femme a une profession médicale.

Voici mes notes:
Espagne: IDE puis Sage-femme. Le doctorat est possible.
             Il est possible de devenir SF en 6 ans (4 ans pour infirmière puis 2 ans de spécialisation sagefemme)
               Y sont formées 450 sagefemmes par an
               Le ratio sage-femme/ naissances diminue de plus en plus
               Elles n'ont pas le droit de prescription

ICM:    les recherches de 2014 nous disent: il faut lus de sages-femmes pour de meilleurs résultats de morti-morbidité périnatale.
          On apprendra par la suite qu'une des personnes principales de cette recherche participait aussi à la recherche publiée récemment par the Lancet

Pologne: les sages-femmes et les infirmières ont légalement un code commun avec des parties dissociées
               Beaucoup de césariennes de convenance
               De nombreuses maisons de naissances
               Il faut 3 ans pour devenir SF mais une licence et un master peuvent être obtenus en plus.
               Il y a des spécialisations possibles.

Une petite pose puis arrivent les questions. On reste 1h15 de plus dans cette salle surchauffée par 170 étudiants. Mais, malgré la chaleur et la fatigue ces sages-femmes nous tiennent éveillés pendant tout ce temps! Elles ont beaucoup à nous apprendre.


Bref j'ai passé un super weekend, j'ai beaucoup appris, j'ai rencontré plein de monde! J'ai connu des gens super de toute la France, je n'attends qu'une chose: les JN'ESF en février à Nantes!

Alors, jeune (ou vieux) ESF ne fait pas comme moi à invoquer une raison stupide (exams, stages rattrapages compris) pour ne pas y aller, viens aux JN'ESF, au futur congrès, inscris toi dans ton bureau en tant qu'admin on apprend bien et on rigole bien! 

Sur ce, je vais me coucher, j'ai trop peu dormis ce weekend!

lundi 5 mai 2014

L'histoire de Louise C - épisode 10

Stage en suite de couches, comme toujours je suis très en avance, l’étudiante qui fait le même stage que moi m’a prévenue. La sage-femme du jour n’est pas tendre avec les élèves. Je suis donc arrivée plus en avance, le service est archi plein, il doit rester un lit de libre. La journée s’annonce mal.

7h30 la relève arrive. J’attrape ma petite feuille de transmission, je gratte je gratte. La nuit a été longue pour la sage-femme de garde, elle n’attend plus que son lit, elle se dépêche, et comme elle ne veut rien oublier tout en allant vite, elle parle très vite. Je gratte ce que je peux sur cette pauvre feuille qui, bientôt ne ressemblera  plus qu’à un vaste brouillon.

12eme lit je note : Mme C G1 P1, J2, AM (att++), F 3200. VB, comprenez :
Madame C, première grossesse, premier accouchement, la naissance a eu lieu il y a deux jours, elle a eu une petite fille pesant 3200 grammes, elle l’allaite, mais c’est un peu compliqué, il faut qu’on l’aide. Elle va bien.

Les transmissions sont terminées, je ne connais pas encore cette sage-femme. Il faut que je me présente avant qu'elle ne s’arrête brusquement pour me dire si gentiment « bah alors, t’es qui toi ? Faut se présenter hein ! »
Mais non, elle est super sympa, méchantesagefemme serait-elle en fait gentillesagefemme ?. « Bonjour, je suis la stagiaire, je suis actuellement en L3 » elle est un peu perdu : on vient de changer les appellations des différentes promos, je corrige « L3, enfin, ancien ESF2 » « OK, je suis la Sage-femme de suites de couches aujourd’hui. »

Le service est archi plein. Pour faire au plus vite, pendant que la sage-femme lit ses dossiers, je propose d’aller faire le tour des tensions/températures. La sage-femme m’arrête : « tu rigoles, t’es là pour apprendre, pas faire ce qu’on ne veut pas faire.

Je confirme, méchantesagefemme a dû prendre un congé.

La sage-femme décortique avec moi les dossiers un peu compliqués.
8h, on commence le tour, les femmes dorment presque toutes et nous venons les réveiller. Tension-température, vous allez-bien ? Examen général, conseils contraceptions, allaitement, distribution des antalgiques et autres médicaments, révision des prescriptions. Elles vont toutes plutôt bien.

Madame C aussi, elle est fatiguée, elle avait accouché de nuit, et n’avait pas vraiment pu se reposer après entre les passages des sages-femmes, des auxiliaires de puériculture, des infirmières, des médecins puis les visites et ce petit bébé qui ne dort pas comme un adulte. Je vérifie quand même sa dernière hémoglobine, elle est assez basse, 9,1, je demande à la sage-femme quelle est la posologie de la supplémentation en fer. Mais à part ça elle va bien, elle est heureuse. 


15h, nous avons enfin pu voir toutes les patientes. La sage-femme va manger un peu, et moi aussi. Comme je suis un peu l’intruse dans ce monde de diplômés je fais au plus vite.
Une sonnette retentit dans le couloir, le bip m’indique la chambre n° 12, Mme C. ouf, je l’aime bien cette patiente. L’allaitement est un peu compliqué, ça doit être ça.

J’arrive dans sa chambre et je la trouve en pleurs, on discute un peu, je tente de savoir pourquoi. Sa belle-mère me dit que c’est elle qui a appelé, elle pense que c’est la dépression du post partum, elle l’a lu sur un forum, et puis elle s’inquiète parce que sa belle-fille n’allait pas bien, elle devrait passer au biberon, cette enfant ne grossira jamais sinon.

Ah oui, on m’en avait parlé de cette belle-mère un peu envahissante. J’invoque un prétexte un peu flou et je la fais sortir.

Son compagnon n’est pas là. On discute on discute, elle me parle de plein de choses, de ce bébé qui était voulu, mais bon pas tout de suite tout de suite, mais c'est une bonne nouvelle quand même.
Elle se sent toute perdue, comment va-t-elle faire une fois à la maison ? Au final, ce n’est pas si mal si belle maman vient à la maison, elle s’est occupée de Julien elle, et Julien est en pleine forme.
Et l'allaitement? comment elle va faire? ses copines lui ont dit tellement de choses différentes et effrayantes dessus.
Heureusement on est samedi, les patientes sont occupées avec leurs visites on va avoir le temps de discuter. j'en profite pour l'aider à mettre son enfant au sein en prenant bien le temps nécessaire et pour lui donner les conseils dont elle a besoin.
Le flot de paroles reprend, Louise C. a peur. Comment va-t-elle faire à la maison ? Un enfant ça prend du temps, et puis belle-maman est un peu trop souvent à la maison, elle a déjà voulu faire la déco de la chambre de cette enfant. Elle voulait du rose à paillettes, vous vous rendez compte ? On n’habite pas dans un chamallow géant, si ? Et puis elle a déjà acheté suffisamment pour l’habiller jusqu'à son entrée à l’école. Elle a même déjà pris contact avec « la meilleure école du coin » mais j’en peux plus moi de belle-maman.


On entre, ah tiens, revoilà belle maman. « Au fait Louise, quand tu reprendras ton boulot tu as pensé à la garderie ? Tu sais je peux m’en occuper moi si j’habite chez vous »

- Madame, s’il vous plait, veuillez sortir de cette chambre.
- Mais vous êtes qui vous ? C’est pas une étudiante qui va me dire quoi faire.
- Madame, ici se tient une discussion privée avec votre belle fille qui relève du secret médical, veuillez sortir.
- Ah mais vous savez je fais partie de la famille.

Louise C. qui jusque là parlait d'une voix douce entrecoupée de sanglot se met à parler haut et fort sans la moindre hésitation:
-Arrêtez Brigitte, vous m’emmerdez! Vous n’êtes pas ma mère, et même si vous l’étiez je ne vous permettrais pas plus, je suis assez sympa de vous laisser venir voir votre unique petite fille tous les jours à la maternité, mais là, arrêtez!

- Mais, voyons Louise, tu ne sais pas ce que tu dis.
- Vous m’emmerdez ! Merde à la fin quoi !


J’irai bien prévenir la sage-femme là, mais j’ai peur de les laisser seules. Heureusement, la voilà. Elle a dû venir, alertée par les cris.
A vouloir trop en faire, je me suis retrouvée dépassée.



A l'occasion du 5 mai, journée internationale de la sage-femme, les blogueurs sages-femmes vous invitent à voyager de billet en billet pour découvrir l'histoire de Louise.

l'histoire commence ici
et la suite est ici

et si vous n'avez rien vu entre le début et la fin, voici le reste:





samedi 19 avril 2014

Consentement

Parlons consentement.
je voulais vous raconter une histoire personnelle mais je me suis dit, devant l'originalité de cette histoire que mon presque anonymat allait en prendre un coup. L'article avait ete initialement publié avec l'histoire, je vais donc la refaire en bref et anonymisé.

Un jour je me suis retrouvée hospitalisée et il m'a été très difficile de comprendre quels étaient les traitements qui m’étaient administrés. Personne ne m'expliquait le pourquoi du traitement. il m'a fallu batailler pour avoir une réponse.

1 an plus tard me voila en P1 (PACES actuellement) et ses cours de droit de la santé. Dont un cours sur la loi Kouchner, loi du 4 mars 2002. Explicitant l'absolue nécessité d'un consentement libre et éclairé. "Toute personne prend, avec le professionnel de santé et compte tenu des informations et des préconisations qu'il lui fournit, les décisions concernant sa santé" .
tiens donc, j'avais un droit de regard sur mon traitement...

Revenons en à nos moutons.
Aujourd'hui je suis étudiante sage-femme, j'ai donc pris la place du soignant et non plus du soigné. Je dois donc de demander son accord à la patiente à chaque soin réalisé non?
Surtout qu'en tant qu'ESF je ne suis pas seule avec cette patiente.
Non je ne dénoncerai pas ce que j'ai vu en stage, je ne suis QUE étudiante et puis si je me foire sur mon anonymat je risque de m'en prendre plein la figure.

J'aimerais pouvoir dénoncer ce que j'ai vu, mais cela m'est impossible.

Mais je vous explique juste comment dans ma pratique j’essaie, de mon petit niveau d’appliquer jusqu'au bout ce droit qu'ont les patientes.

"Madame, la sage-femme voudrait faire le point, voir comment le travail avance, est-ce que cela vous dérange si c'est moi qui vous examine? Sachant que si j'ai un doute, la sage-femme vous réexaminera à son tour"

Ce qui me choque le plus dans tout ça c'est la réponse de la patiente "oh, vous savez, où j'en suis, je n'en suis plus à 1 examen près"
Oui, mais bon, c'est pas normal de répondre ça!
Chère patiente, sache tu as as le droit de dire non, que le soignant en face de toi ne doit rien t'imposer!

J'aimerai pouvoir vous dire tout ce que je vois, tout ce qui me revolte. Ce qui me revolte le plus c'est que certain(e)s de mes camarades de promotion ne voient pas en quoi ce que je voudrais dénoncer est dénonçable. Ca ne les choque pas, aucunement.
A chaque examen j'essaie de me mettre à la place de la patiente, voir si moi j'accepterai tout ça. Enfin pas vraiment à sa place. J'essaie de comprendre (sans vraiment y arriver).

J'ai hâte d’être diplômée et de travailler comme je l'entend.


lundi 10 mars 2014

La fine ligne entre physiologie et pathologie

Ce papier, ne lui en voulez pas, il n'arrive pas à se faire comme je l'entend, j'ai beau le tourner et le retourner dans tous les sens, je n'y arrive pas, mais il fallait que je le fasse.

Pour Laure, maman de deux.

Comment t' expliquer la différence entre la pathologie et la physiologie quand moi-même je ne la connais pas ? Je pense qu'il faudrait un bouquin entier pour ça et je n'ai pas la pretention de pouvoir le faire.
La physiologie c’est quand on écoute la femme et qu’on s’adapte à elle et non l’inverse pour citer 10lunes*. La physio c’est la nature. Une femme qui sent ce qui se passe, qui sait quoi faire parce que son corps lui dit ce qu’il faut faire. La physio c’est quand c’est elle qui fait. Quand on la laisse decider. C’est son corps non ? son accouchement ?
Pour repondre à une question, la peridurale n’est pas pathologique, si elle existe ce n’est pas pour faire joli ou juste pour faire des sous, enfin ça c’est dans l’ideal. Par ce que dans la pratique c'est pas trop ça. on lui donne un choix qui parrait simple: avec ou sans douleur, comme chez mac do: avec ou sans ketchup. Mais on ne lui explique pas ce que chacun de ces choix implique.
 Avec: tu douilles quand meme un peu  t'as pas mal mais tu ne sens rien.
 Sans: oh mon dieu ma pauvre fille tu vas douiller mais tu vas expédier ton bébé en deux secondes.
C'est un peu carrément plus complexe: CHAQUE FEMME EST DIFFÉRENTE  Ça dépend de sa perception de la douleur, de sa préparation, de la présentation de son bébé, de son état général , de sa fatigue, de sa culture (oui oui) et... de l’anesthésiste.


La pathologie au sens premier du terme c’est quand quelque chose ne va pas. Un rythme cardiaque du bébé qui nous en fait voir de toutes les couleurs, une mère qui va mal, des organes qui disent STOP. Alors là on est formés pour aider dans ce cas. On sait la prendre en charge, on sait réanimer, on le fait, mais c'est pas notre rôle premier. Notre rôle, c'est d'être gardiens de la physiologie, dans une société où on ne part pas du principe qu'un accouchement est physiologique. On est plus prêt à traiter une éventuelle complication qu'à accompagner un couple dans sa nouvelle parentalité. Résultat, contrairement aux Pays-Bas qui déclare l'eutocie tant qu'il n'y a pas de signe de dystocie, en France, on déclare l'eutocie, a posteriori, lorsqu'une fois l'accouchement terminé, tout s'est bien passé.

La pathologie c’est notre manière de pratiquer actuellement, suivre des protocoles généralisés alors que chaque femme est différente. Personne n’est pareil. Le problème c’est que l’hôpital aujourd’hui semble l’oublier. Il me semble que la girafe*, personne n’est là pour lui dire comment faire ? Pourtant, elle, comme nous, est un mammifère. Mais voilà, la femme a oublié sa nature, et personne ne la lui rend.

Alice & QuitQuat


on en discutait avec @__beatrix__ et @10lunes de l'accouchement de la girafe, un petit lien, à regarder à distance des repas.

*je pense que vous allez le remarquer, que vous l'avez deja remarqué, mais c'est un peu mon Idole!

mercredi 5 mars 2014

Discussion de voiture

Je suis une grande covoitureuse, dès que je dois prendre ma voiture pour un trajet de plus d'une heure je covoiture, et souvent je covoiture avec des femmes du meme age que moi.
Bien souvent en moins d'un kilometre la question "Tu fais quoi dnas la vie?" est abordée.

Les premieres questions sont souvent "aaah, mais c'est combien d'année d'etudes ça?" suivis trois kilometres plus loins par "on parle beaucoup de vous en ce moment aux infos"

Généralement à ce moment là je boue intérieurement, on parle oui, mais on parle mal. On ne dit pas ce qui doit etre dit. 

Alors je leur explique le pourquoi du comment. Pourquoi on rale? depuis quand? (un(e) sage femme n'avait meme pas posé son index et son majeur sur le haut de mon crane lorsque j'étais encore dans le ventre de ma mere qu'ils ralaient deja


Sortie du périph: "Et ça fait quoi une sage-femme?"

Là, je leur apprend des trucs incroyables:

Un homme sage-femme ça existe, et pas que sur NRJ12 et on dit UN sage-femme (je trouve le terme maïeuticien trop pompeux).
Un(e) sage-femme ne se limite pas à dire "poussez madame"


Mais le moment qui les étonne le plus c'est quand je leur dit que le suivi gynécologique est possible par une sage-femme, un medecin generaliste, que la pilule n'est pas l'unique contraception, que le DIU est possible à 20 ans quand on a jamais eu d'enfants.

A ce moment du trajet on a deja passé le péage.

C'est donc à 130 km/h que je me mets à parler gynecologie- contraception et que cette femme d'une 20aine d'année qui se trouve à coté de moi me demande: "mais on doit consulter à l'hopital pour voir une sage-femme?" et non, l'annuaire est ton ami et regorge de sage-femmes.

Comme presque toutes les jeunes etudiantes de 20 ans, cette femme est en bonne santé, elle a donc grandement la flemme de prendre rendez-vous pour dans 6mois pour une consultation de contraception, surtout qu'en tant qu'etudiant, on ne sait jamais ce qu'on va faire dans 6mois. 
Si elle avait su, elle serait probablement elle meme allée chez une sage-femme ou un generaliste pour son suivit gyneco, laissant ainsi la place à celles qui veulent que ce soit un gynécologue qui les suive sans avoir à attendre 6mois.

Je ne dis pas que le suivi ne doit pas etre fait pas le gynecologue, c'est une part de son travail aussi. Mais je dis qu'il faut que les femmes sachent qu'elles ont le choix entre plusieurs professionnels.

Petite pause au bout d'une heure de route: "Ca tombe bien, j'arrivais pas à avoir de rendez vous gyneco avant mon depart en erasmus, surtout que la pilule sans la secu, ca finit par faire cher"

Et toi, dans la vie, tu fais quoi?

samedi 22 février 2014

Je vous l'avais dit, pas si mauvais.

Finalement les suites de couches c'est pas si mal.

J'avais en souvenir mon stage qui datait de plus d'un an. On était 7 étudiants fixes par jour, 4 ESF, 2EIDE et 1 étudiante auxiliaire de puériculture, ajoutez à cela les internes, les externes et les P2, autrement dit beaucoup trop de monde. On se marchait sur les pattes les uns des autres. 
Ca se repartissait comme cela:
   Les étudiants en médecine et les internes pour les grossesses pathos, et les suites de couches des césariennes, 
      Les ESF et les sages-femmes pour les autres.
      l'EIDE les voyait à peu pres toutes.
      Et l’étudiante auxiliaire de puericulture voyait les bébés.
Je ne sais plus le nombre exacte de lits du service mais c’était une belle usine. Je n'ose pas imaginer le nombre d'interlocuteurs differents que les femmes voyaient. Ce stage n'avait duré que 4 semaines, et j’étais bien contente quand il s'est terminé.

Là je suis dans une moyenne maternité de périphérie, peu d’étudiants, 1 ESF, 1 EIDE et une etudiante auxiliaire de puericulture. Chacun son professionnel, on se marche pas trop dessus.

J'ai donc redécouvert les suites de couches. Et j'aime ça.
J'aime éplucher le dossier, voir quels sont les facteurs de risques plus important de Mme X par rapport à Mme Y.
J'aime passer un moment avec la mère pour l'aider à mettre en route son allaitement, la rassurer, lui dire que ça prend du temps.
J'aime expliquer à la femme qui n'allaite pas comment limiter la monté de lait, et la soulager quand celle ci arrive.
J'aime discuter contraception avec la jeune mère qui aimerait un peu attendre avant d'avoir un autre enfant. Savoir si elle a vraiment connaissance de toutes les contraceptions qui existent, laquelle lui conviendrait le mieux à elle et son mode de vie.
J'aime discuter prévention. M'assurer que tout est prêt chez eux pour l'arrivée de l'enfant.

J'aime surtout quand on prend bien le temps de discuter avec la jeune mere. Quand on fini le tour à 17h et non "avant le déjeuner parce qu’après, c'est l'heure des visites" ça veut dire qu'on a bien pris notre temps pour répondre aux questions, répondre à la douleur de ces femmes et tout faire pour la diminuer, répondre à leurs angoisses naturelles de jeunes mères.

C'est certain, c'est pas du tout le même rythme qu'en salle de naissance, c'est même pas du tout la même chose. Et chaque service a son lot de stress.

J'ignore comment se passent les suites de couches la nuit, je sais que certains hôpitaux n'ont pas de sage-femme en suite de couche la nuit, je suis pas certaine que ce soit vraiment une bonne idée.

En novembre je me moquais (gentiment) de cette amie qui me disait adorer son stage en suite de couche. "Le stage hémorroïdes" je lui avais répondue. Et bien je retire mes moqueries, j'aime bien les suites de couches. c'est un rythme plus calme, plus axé sur la prévention.

Et puis c'est pendant ce stage (pas encore terminé) que je me suis rendue compte que j'adore ce que je fais. Pour rien au monde j’échangerai ma place. Et que MERCI MON DIEU je ne suis pas allée médecine. Jamais j'aurai fait ce que je fais actuellement. 


Ma filleule de fac me disait la veille de son concours "inch 'allah", si Dieu le veut. Et bien Dieu a bien eu raison de m'envoyer ici!

le titre est une reference à une de mes scenes preferées d' inglourious basterds

mercredi 29 janvier 2014

Le césar du meilleur 2nd rôle est attribué à

La question qui tue. suite

L'autre jour quand on m'a posé cette fameuse question qui tue, elle était suivie de "qu'attendez-vous du métier de sage femme".

Ma réponse brute a été:
"j'attend du métier plus de physiologie, moins de médical, une approche plus naturelle de l’accouchement  moins instrumentale. Que la femme reprenne sa position d'actrice principale de l'accouchement,  et que la sage femme reprenne sa place de 2nd rôle"

Un peu comme au cinéma, le 2nd rôle est important. Il accompagne le premier rôle dans son jeu, lui donne la réplique, il est important mais reste derrière le héros. Il le complète.

Et c'est comme ça que je vois ma futur profession, donner la réplique à la femme, entrer en dialogue avec elle. Etre là à chaque péripétie pour aider l’héroïne, l'orienter vers le bon chemin. Répondre à ses doutes, l'accompagner dans ses peurs, la rassurer, l'accompagner.

Etre le Watson de Sherlock, le Robin de Batman, le sabre de Beatrix Kido, le frère toque de robin des bois et tant d'autres. (oui, j'ai de drôles de références)

Donc voilà, en 2014 le César du meilleur second rôle est attribué à... La femme
Peut-être qu'en 2024 le meilleur second rôle sera attribué à la sage-femme et non plus à la  femme qui elle aura enfin eu son César de la meilleure actrice. Mais bon, j'ai du mal à y croire parce que le césar du meilleur acteur va toujours à la médicalisation, jamais aucune surprise comme le césar du meilleur film est toujours attribué à Abdellatif Kechiche.


L'autre réponse qui a suivi dans ma petite tête quand on en a parlé en classe a été: je veux travailler en maison de naissance. Mais je pense être une grande naïve pessimiste (si si, c'est possible). La loi a beau être passée, j'y croirai que quand je l'aurai vu. Ça semble trop beau pour être vrai.

dimanche 26 janvier 2014

Pourquoi?

«  Pourquoi sage-femme? » , c’est la question qu’on me pose régulièrement. J’ai un peu de mal à comprendre le concept, je n’ai jamais entendu qu’on demandait à un médecin pourquoi il avait voulu faire ce métier, et à un informaticien ou une coiffeuse, encore moins. 

Et puis en plus, moi je ne sais pas quoi répondre quand on me pose cette question, parce que tout ce que je sais, c’est que je ne me voyais pas vraiment faire autre chose. Ostéopathe me tentait bien, mais la reconnaissance étant encore plus mauvaise que celle des sages-femmes, ça me semblait difficilement envisageable, sans passer par kiné, et moi, être kiné, ça ne m’intéressait pas du tout.

Alors quand j’ai échoué piteusement ma première année de médecine et que je n’avais pas le droit de redoubler, j’ai sauté au plafond, folle de joie. Bizarre, vous avez dit bizarre?
Je m’explique… Dès que j’ai annoncé dans ma famille que je voulais être sage-femme beaucoup de réactions se sont fait entendre « Sage-femme? oui, pourquoi pas, mais bon, comme tu vas réussir le concours, tu prendras médecine, tu viens d’une famille de médecin, quand même ».

Oh bah oui, tiens, je viens d’une famille de médecin, donc il ne serait vraiment pas envisageable que je fasse autre chose.

Non moi, enchainer des patients, sans avoir réellement le temps de leur parler, les examiner en 30 secondes chrono, leur faire une ordonnance, tout en leur faisant rédiger le chèque pour que ça aille le plus vite possible, c’est pas mon truc.
Je voulais prendre mon temps avec les patientes, les femmes, je voulais être à leurs côtés, et les aider comme je pouvais, dans leur vie de femme, dans leur nouvelle parentalité. (À l'époque, j'étais bien loin d'imaginer la réalité du métier, en fait... mais ça, vous l'avez plus ou moins compris dans mon premier article).

Donc, j'en étais au fait de sauter de joie à l'annonce de mon impossibilité de redoubler. Si je ne pouvais pas redoubler, je n'avais qu'à trouver une solution alternative pour être sage-femme, et les possibilités avaient déjà toutes été étudiées, je savais pertinemment comment faire. Je ne retenterai pas le concours, je ne serai pas médecin, je serai sage-femme et pour ça, je m'expatrierai en Belgique, et je ferai la plupart des démarches seule si il le faut, mais je serai sage-femme, quoi qu'il advienne. 
Ça a marché, même si, souvent, je regrette le choix de l'école: je dois fournir plus de travail personnel pour arriver à un niveau correct de connaissances (la correctitude du niveau ayant été établie par mes soins, certaines de mes "camarades de classe" sont très satisfaites, et j'en suis bien consciente, mais j'en veux toujours plus, il faut croire).
Ça a marché, je serai sage-femme, et vite, très vite... 

lundi 20 janvier 2014

Si simple, mais si rare.


En stage j’ai vu le couple parfait. Je n’avais jamais vu un couple aussi amoureux, on aurait dit un conte, le prince et sa princesse.
D’ailleurs elle avait la beauté d’une princesse d’orient. Et lui la couvrait de compliments, de mots doux. Et puis ils étaient si sympathiques. Moi qui avais peur d’aller en stage ce jour là ils m’ont réchauffe le cœur.
Elle était venue pour sa consultation de Terme +2, elle a eu droit au forfait prostine-propess. Monito 3 fois dans la journée, mais jamais elle n’a quitté son sourire.

A la fin de la garde, je suis allée la raccompagner dans sa chambre, en glissant en rigolant « attendez demain soir pour accoucher je veux être là » et ça n’a pas manqué. Je suis arrivée à 19h30 le lendemain , elle est entrée au bloc à 19h40 et leur enfant est né 2 heures après  Jamais je ne l’ai vu arrêter de sourire, son mari lui murmurait des histoires, des prières  des chansons, elle était radieuse. Au pire de sa douleur elle avait vaguement une grimace. Elle était remplie d’amour par son mari et son dieu. La joie qu’elle a eu quand elle a entendu sa fille, je ne sais pas si je verrai la même de si peu.
La salle d'accouchement était remplie de "je t'aime" "tu es la plus belle" "tu es la plus forte".
Et ce couple était si intéressant, on a échangé sur nos différentes religions, nos coutumes, nos vies eux et moi, ils m’ont tant appris.
Puis ils sont rentrés en suite de couches. J’étais triste de les voir partir, j’avais partagé un petit moment de leur vie, ils m’ont partagé leur bonheur.
Je n’ai pas compris ce qu’il s’est passé après  J’entendais les sages-femmes en parler dans le PC « c’est pas possible tout ça, il doit cacher des choses pour lui parler comme ça », « un couple heureux comme ça c’est que de la façade »
Je ne pense pas, il était amoureux de sa femme, d’un amour qui semble aujourd’hui si rare, elle le lui rendait bien.
S’il y a bien UN couple sur terre qui s’aime c’est celui là. Et leur enfant grandira dans un foyer rempli d’amour. Ca débordait tellement de tous les cotés.
Je ne pense pas les oublier un jour. Je me souviens de son prénom à lui, de son prénom à elle, du prénom de l’enfant, de la raison du prénom de leur enfant et du « vous verrez vous aussi le bonheur que c’est quand vous aurez votre enfant »

PS : ce couple, je l’ai appris 2 mois plus tard en retournant en cours, m’avait apporté des chocolats et l’équipe s’est bien gardé de me le dire…

vendredi 17 janvier 2014

La Question Qui Tue


On est Jeudi, il est minuit trente, vendredi à 8h j’ai exam, comme d’habitude je m’y prends au dernier moment. Et comme d’habitude, quand je suis supposée réviser je cogite. Mais alors là, je cogite vraiment.
Pourquoi je cogite ? Ce matin, en cours, la sage-femme-intervenante nous a posé LA Question, celle à laquelle on est tous incapable de répondre là comme ça, tout de suite. La question que tout le monde nous pose à un moment ou à un autre :
« Qu’est-ce qui vous motive dans le fait de devenir sage-femme ? Qu’est-ce qui a motivé ce choix ?» « je vous laisse 30 minutes ».
Je pense que toute une année consacrée à la seule réflexion ne suffirait pas pour répondre. Mais là tout de suite, je vais quand même essayer.


Je vais être honnête avec vous, quand je suis entrée en première année de médecine c’était pour devenir médecin. Depuis l’âge de 10 ans je rêvais de devenir médecin généraliste.

Je suis donc entrée en médecine  j’ai fait une première année, je l’ai raté. Je me suis demandé si j’étais prête à en faire une deuxième  Je suis allée voir une psy conseillère en orientation*. Et je suis retournée en médecine. Premier semestre réussi assez brillamment, bien classée au classement médecine.

Entre temps j’ai commencé à suivre le blog de 10lunes, (je ne sais plus comment j’y suis arrivée mais j’ai tout de suite adoré), puis il a fallu cocher des cases (en médecine on aime cocher des cases, on ne fait que ça). Choisir quelles filières on allait passer au concours. La question ne se posait pas vraiment pour moi, je voulais médecine, j’étais bien classée. Mais ma souris après avoir coché « médecine » s’est approché de la case « maïeutique » et a cliqué. Je bénis encore aujourd’hui ce moment, où, coincée en salle informatique j’ai coché « maïeutique ».

Le semestre passe, le concours approche, les stress me grignote chaque jour un peu plus, les sciences humaines aggravent mon stress et : patatra, hors sujet au concours.
Les vacances passent, je ne pense pas aux résultats qui approchent, je ne reste pas seule une demie seconde. Le verdict tombe, liste d’attente en médecine  liste d’attente en maïeutique. Trop loin pour espérer médecine (plus de 25 places, ça ne décale jamais autant), un peu plus proche pour sage-femme. Le verdict final n’aura lieu que 4 jours plus tard, les 4 pires journées de toute ma vie, finalement c'est bon: ça y est je suis ESF.

Oui oui, je sais, je tourne autour du pot. Alors pourquoi, un jour, en février j’ai coché maïeutique ?
Sincèrement? J'en sais foutrement rien! Déjà 10lunes en est en grande partie responsable, je le lui ai déjà dit, je lui répéterai chaque jour où ça sera nécessaire  Et puis dans mon image à époque, quand mon oignon était encore tout mignon tout jaune, la sage-femme était celle qui accompagnait la femme dans sa vie de femme, faisait naître des bébés mignons et roses, et puis c’était celle qui était à l’écoute et qui aussi une grande part d’investigation diagnostique chez cette femme. C’était ce qui se rapprochait à mon gout le plus du médecin, et puis j'étais sûre de faire un truc qui me plait 5 ans après.. Et puis la sage-femme est le professionnel présent aux moments clés de la vie d’une femme.

Mais voilà, aujourd’hui je ne regrette pas du tout d’avoir coché « maieutique ». Je n’ai aucun regrets  je suis contente d’avoir raté médecine  Ce qui m’a motivée c’est le rapport à la femme, l’accompagner dans sa vie, savoir repérer les petits et les grands problèmes  la soutenir dans son travail. J’y suis entrée par ce que j’y ai vu de la lumière  pour rien au monde je n’en partirai  Ce choix je l’ai fait indirectement, mais jamais je ne le regretterai.

Et si je me pose la question aujourd’hui je répondrai « pour changer le monde » « pour rendre aux femmes leurs accouchement » « pour aider les femmes quand elles sont vulnérables » 


*la fameuse psy en "orientation", dans les filières médicales et paramedicales, n'a jamais mentionné sage-femme


Alors, petit P1, si tu te poses la question, j’espère que ça t'aura aidé!

jeudi 16 janvier 2014

800000 naissances, et moi et moi et moi?

J’ai toujours aimé, ou eu le besoin d’écrire, sans jamais avoir été trop douée pour ça. Les blogs se sont enchainés pendant plusieurs années, jusqu’à s’essouffler, et plus ou moins disparaitre.
Puis, il y a quelques mois, Alice est venue avec son idée d’un blog à 6 mains. Et j’ai décidé de sauter le pas. On a hésité, tâtonné, et un jour, Alice s’est lancée. J’ai suivi, sans trop réfléchir. Comme dans Titanic « You jump, I jump Jack »*.

Alors me voici, face à mon clavier, à déblatérer sur toutes ces incertitudes, toutes mes incertitudes lorsque je pense à mon futur métier. 3 ans et demi que j’étudie, encore 5 petits mois avant de soutenir mon TFE, et des questions de plus en plus pesantes. La plus importante étant « vais-je trouver du travail? et si j’en trouve un, vais-je pouvoir exercer dans des conditions humaines? ».
Car oui, au cours de mes stages (surtout en Belgique, où le gynéco est roi), la question de l’humanisation des soins s’est posée de plus en plus souvent. Face à ces femmes à qui on impose le « RAPE-synto-péri »** car le gynéco souhaite accoucher « avant 12h ou après 14h, car entre temps, j’aimerais aller acheter mon meuble chez ikea/chercher ma fille à l’école/ aller à mon cours de tennis/ j’ai juste envie de manger tranquille » (rayez la mention inutile, toutes ces phrases ayant été entendues en stage) sans leur demander leur avis, sans même les informer de ce qui va être réellement fait.
Je suis malade d’aller en stage dans certains hôpitaux où je me rends, si fiers sur le papier de leur « salle nature », où on impose à chaque femme la péridurale, en passant la tête dans la chambre sans même se présenter pour dire « Si vous voulez la péridurale, c’est maintenant, après, l’anesthésiste, il s’en va et si vous avez mal après, il faudra le rappeler et pfiou, comme il rentre chez lui, y’en a, au moins pour 1/2 heure avant qu’il revienne. Et vous aurez mal, croyez-moi, ça ne va faire qu’augmenter ».
A entendre toutes ces sages-femmes, les femmes n’ont plus la capacité d’accoucher sans cette péridurale. Ou bien est-ce les sages-femmes que j’ai suivi qui n’ont plus la capacité d’accompagner les femmes dans leur projet, dans leur parentalité?
Je me rapproche à (très) grands pas du diplôme, et certains stages me dégoutent. La femme n’est qu’un utérus qu’on examine toutes les heures en ajustant le synto, la péri, les positions, pour qu’elle accouche quand le gynéco l’aura décidé. Et si par hasard, elle a eu le malheur d’accoucher sans le gynéco, on lui laissera le placenta dans le vagin le temps que celui-ci arrive et effectue la délivrance, afin de pouvoir facturer l’accouchement à son nom.

Je ne sais pas comment je travaillerai dans 6 mois, mais ce qui est sûr, c’est que je ne veux, ne peux pas travailler comme ça. Alors, j’explore les différentes possibilités et chaque jour, de nouvelles questions viennent s’ajouter à cette pile déjà infinie, et c’est entre autre ça que je vous raconterai ici, je pense.

QuitQuat


*(j’ai plein de petites références comme ça que vous découvrirez au fil du temps...)
**(je parle ici de rupture des membranes, et non de viol, quoi que la question pourrait effectivement se poser.)

mercredi 15 janvier 2014

L'hiver vient

Il parait que l’hiver vient, je n’ai jamais connu de saisons mais l’hiver vient… moi, fœtus de sage-femme je ne sais pas trop ce qui m‘attend dehors. J’ai rêvé de mon futur métier plusieurs fois, je suis allée en stage, j’ai vu. J’ai vu des sages-femmes stressées par le temps. J’ai vu des « appelle l’anest il pose en salle 3, la 2 vient d’arriver en salle, elle a pas encore mal, mais, c’est plus pratique tu sais ». Ça m’a paru normal, moi grande novice dans ce grand méli-mélo où je n’y comprenais rien. J’ai branché le touiteur, et j’y ai vu une autre vision de la sage-femmerie, ce que je veux plus tard. J’y ai vu @ambreSF @nounoups, @10lunes @sophiesagefemmme @Orcrawn et tant d’autres discuter. J’ai ouvert mes yeux d’ignorante et j’ai découvert qu’on ne soigne pas les femmes actuellement, on les rabaisse, on leur dit de faire, elles ne font plus. Elles n’accouchent plus, nous les accouchons ! Je refuse d’être une sage-femme qui accouche. Mais je suis étudiante, je suis là pour fermer ma gueule, dire oui oui et faire ce qu’on me demande.

Mais voilà, du haut de ma très faible expérience je suis mal. J’ai peur de devenir aigrie et formatée par des protocoles. J’en ai discuté avec beaucoup dans ma promotion, on est beaucoup du même avis : « et si on avait plus de temps pour les accompagner des femmes ? » si on nous laissait plus de temps. Plus de place à la clinique qui est plus humaine que la paraclinique.

Parce que, quand on voit que la maison mère ne peut fonctionner sans ses étudiants, on peut se poser des questions. Pour quoi on sous-embauche. Et là-dedans qui en pâti le plus ? La sage-femme ? La femme ? La femme et son enfant !

Alors non, je ne suis pas vraiment encore dans le métier mais j’ai peur, j’ai très peur, j’ai envie d’accompagner ces femmes comme je le souhaite, mais je ne suis pas sûre de pouvoir un jour.

Je réponds donc à l’appel d’Orcrawn. Oui j’écris, j’écris mal certes, mais j’écris. J’écris parce que c’est notre seule arme. On a beau râler dans la rue, il y a trop de manifestations en France pour que la nôtre ait un impact quelconque. C’est une goutte d’eau dans tous les océans réunis.  J’ai peur pour toutes ces femmes enceintes qui ne connaissent pas la moitié de ce qu’est un accouchement normal (mais vraiment normal !!) je ne suis pas sure de le savoir moi-même.

J’écris parce que je fais partie de ces dernières fournées de sages-femmes à qui on apprend encore plus qu’avant, mais qui sont toujours reconnues de la même manière, pas vraiment infirmière, pas vraiment médecin, un statut flou.

J’écris parce qu’il faut que ce statut soit précis et bien réglé, je ne suis ni médecin, ni infirmière, je serai sage-femme, mais ça, ça rentre pas dans leurs petites cases à l’hôpital.

J’écris parce que parler à 2-3 personnes ça va pas faire avancer le schmilblick. J’ai peur pour ma future profession. Vraiment.

J’écris parce qu’il a fallu qu’une sage-femme n’aille pas travailler pour qu’on commence à parler de nous. Parce que quelques petits milliers de femmes qui crient dans la rue, c’est marrant, mais ça marche pas trop dans leur têtes à eux. A eux là-haut qui décident pour nous, sans vraiment se rendre compte des problèmes d’ici. Des problèmes d’en bas.

J’écris parce que la mortalité périnatale et maternelle en France est très mauvaise pour un pays comme le nôtre et que si on avait plus de temps pour ces femmes, ces couples ça irait peut-etre surement mieux.


Je veux devenir une sage-femme qui accompagne, pas une sage-femme qui accouche. Et si la situation reste ainsi je ne serai pas la sage-femme que je veux. Tant pis pour moi, mais quel malheur pour ces femmes qu’on saucissonne à une table, les jambes paralysées qui font « comme tout le monde » parce que ça semble être la norme. Non ce n’est pas la norme mesdames.

J’apprends à être une bonne technicienne, pas à être une bonne oreille, je n’apprends pas à ranger mes mains dans mes poches et regarder la nature, j’apprends à la forcer. Oui, il faut que je sois une bonne technicienne mais que la technique ne soit pas mon unique manière de travailler !

J’écris parce que mon oignon à moi il est encore tout beau, que j’ai encore l’insouciance de celle qui ne sait pas, mais je commence à savoir, je commence à avoir peur.

En fait j'ai surtout l'impression que ce n'est pas que l'hiver qui vient mais bien une ère glacière.