7h30 la relève arrive. J’attrape
ma petite feuille de transmission, je gratte je gratte. La nuit a été longue
pour la sage-femme de garde, elle n’attend plus que son lit, elle se dépêche, et
comme elle ne veut rien oublier tout en allant vite, elle parle très vite. Je
gratte ce que je peux sur cette pauvre feuille qui, bientôt ne ressemblera plus qu’à un vaste brouillon.
12eme lit je note : Mme
C G1 P1, J2, AM (att++), F 3200. VB, comprenez :
Madame C, première grossesse,
premier accouchement, la naissance a eu lieu il y a deux jours, elle a eu une
petite fille pesant 3200 grammes, elle l’allaite, mais c’est un peu compliqué,
il faut qu’on l’aide. Elle va bien.
Les transmissions sont terminées,
je ne connais pas encore cette sage-femme. Il faut que je me présente avant qu'elle ne s’arrête brusquement pour me dire si gentiment « bah alors,
t’es qui toi ? Faut se présenter hein ! »
Mais non, elle est super
sympa, méchantesagefemme serait-elle en fait gentillesagefemme ?.
« Bonjour, je suis la stagiaire, je suis actuellement en L3 » elle
est un peu perdu : on vient de changer les appellations des différentes promos,
je corrige « L3, enfin, ancien ESF2 » « OK, je suis la
Sage-femme de suites de couches aujourd’hui. »
Le service est archi plein. Pour faire au plus vite, pendant que la sage-femme lit ses dossiers, je propose
d’aller faire le tour des tensions/températures. La sage-femme m’arrête :
« tu rigoles, t’es là pour apprendre, pas faire ce qu’on ne veut pas
faire.
Je confirme, méchantesagefemme a dû
prendre un congé.
La sage-femme décortique avec moi
les dossiers un peu compliqués.
8h, on commence le tour, les
femmes dorment presque toutes et nous venons les réveiller. Tension-température,
vous allez-bien ? Examen général, conseils contraceptions, allaitement,
distribution des antalgiques et autres médicaments, révision des prescriptions. Elles vont toutes plutôt bien.
Madame C aussi, elle est
fatiguée, elle avait accouché de nuit, et n’avait pas vraiment pu se
reposer après entre les passages des sages-femmes, des auxiliaires de puériculture,
des infirmières, des médecins puis les visites et ce petit bébé qui ne dort pas
comme un adulte. Je vérifie quand même sa dernière hémoglobine, elle est assez basse, 9,1, je demande à la sage-femme quelle est la posologie de la supplémentation en fer. Mais à part ça elle va bien, elle est heureuse.
15h, nous avons enfin pu voir
toutes les patientes. La sage-femme va manger un peu, et moi aussi. Comme je
suis un peu l’intruse dans ce monde de diplômés je fais au plus vite.
Une sonnette retentit dans le
couloir, le bip m’indique la chambre n° 12, Mme C. ouf, je l’aime bien cette
patiente. L’allaitement est un peu compliqué, ça doit être ça.
J’arrive dans sa chambre et je la
trouve en pleurs, on discute un peu, je tente de savoir pourquoi. Sa belle-mère
me dit que c’est elle qui a appelé, elle pense que c’est la dépression du post
partum, elle l’a lu sur un forum, et puis elle s’inquiète parce que sa belle-fille
n’allait pas bien, elle devrait passer au biberon, cette enfant ne grossira
jamais sinon.
Ah oui, on m’en avait parlé de
cette belle-mère un peu envahissante. J’invoque un prétexte un peu flou et je
la fais sortir.
Son compagnon n’est pas là. On
discute on discute, elle me parle de plein de choses, de ce bébé qui était
voulu, mais bon pas tout de suite tout de suite, mais c'est une bonne nouvelle quand même.
Elle se sent toute perdue,
comment va-t-elle faire une fois à la maison ? Au final, ce n’est pas si
mal si belle maman vient à la maison, elle s’est occupée de Julien elle, et Julien est en pleine forme.
Et l'allaitement? comment elle va faire? ses copines lui ont dit tellement de choses différentes et effrayantes dessus.
Et l'allaitement? comment elle va faire? ses copines lui ont dit tellement de choses différentes et effrayantes dessus.
Heureusement on est samedi, les
patientes sont occupées avec leurs visites on va avoir le temps de discuter. j'en profite pour l'aider à mettre son enfant au sein en prenant bien le temps nécessaire et pour lui donner les conseils dont elle a besoin.
Le flot de paroles reprend,
Louise C. a peur. Comment va-t-elle faire à la maison ? Un enfant ça prend
du temps, et puis belle-maman est un peu trop souvent à la maison, elle a déjà
voulu faire la déco de la chambre de cette enfant. Elle voulait du rose à paillettes,
vous vous rendez compte ? On n’habite pas dans un chamallow géant, si ? Et puis elle a déjà acheté suffisamment pour l’habiller jusqu'à son
entrée à l’école. Elle a même déjà pris contact avec « la meilleure école
du coin » mais j’en peux plus moi de belle-maman.
On entre, ah tiens, revoilà belle
maman. « Au fait Louise, quand tu reprendras ton boulot tu as pensé à la
garderie ? Tu sais je peux m’en occuper moi si j’habite chez
vous »
- Madame, s’il vous plait, veuillez
sortir de cette chambre.
- Mais vous êtes qui vous ? C’est pas
une étudiante qui va me dire quoi faire.
- Madame, ici se tient une
discussion privée avec votre belle fille qui relève du secret médical, veuillez
sortir.
- Ah mais vous savez je fais partie de la famille.
Louise C. qui jusque là parlait d'une voix douce entrecoupée de sanglot se met à parler haut et fort sans la moindre hésitation:
-Arrêtez Brigitte, vous
m’emmerdez! Vous n’êtes pas ma mère, et même si vous l’étiez je ne vous
permettrais pas plus, je suis assez sympa de vous laisser venir voir votre
unique petite fille tous les jours à la maternité, mais là, arrêtez!
- Mais, voyons Louise, tu ne
sais pas ce que tu dis.
- Vous m’emmerdez ! Merde
à la fin quoi !
J’irai bien prévenir la sage-femme
là, mais j’ai peur de les laisser seules. Heureusement, la voilà. Elle a dû
venir, alertée par les cris.
A vouloir trop en faire, je me suis retrouvée dépassée.
A l'occasion du 5 mai, journée internationale de la sage-femme, les blogueurs sages-femmes vous invitent à voyager de billet en billet pour découvrir l'histoire de Louise.
l'histoire commence ici
et la suite est ici
et si vous n'avez rien vu entre le début et la fin, voici le reste: